Où est le respect de la vie privé ? Que reste-t-il d'intime dans nos vies sur-médiatisées et sur-partagées dans les réseaux sociaux ? Et que penser de soi face à ce moi qui veut toujours en donner plus...
Ah ah ah!!! Surtout n’en parler pas, c’est confidentiel, top secret, tabou, fantasmagorique, enfoui dans les gouffres et les abimes de votre conscience et de quelques amis.
Un secret doit rester secret, mais parfois les circonstances, les aléas de la vie et quelques personnes qui vous veulent du bien se précipitent pour les divulguer.
Rappelez-vous : l’histoire poétique de « Costard » et celle
« d’Homard », de l’enfant caché du président, de la villa de Marrakech, de l’affaire du Sofitel, des comptes en Suisse, des paradis fiscaux oh, Pardon !!! de l’optimisation fiscale, des vedettes, des sous-marins, de la France-Afrique, et j’en passe.
Les protagonistes de toutes ces affaires auraient bien souhaité qu’elles restent dans l’intime mais parfois la tuyauterie à des fuites,
l’intime en profite et déverse ses flots vers un large public.
Pour d’autres, comme l’homme à l’oreille coupé, il faudra attendre sa mort pour que l’intime soit dévoilé et que tous les plus grands musées du monde portent cet artiste au firmament.
A travers les cieux et les galaxies l’intime voyage. Sucré, salé, coloré, invisible, incompris, seul, triste, gai, éphémère. On ne joue pas avec l’intime, il est libre comme le vent, puissant comme le feu, dur comme le roc, léger comme la plume et tendre comme l’amour, c’est mon intime conviction…
Intro du Café philo «Pensées Perchées» du Circonflexe – 19/11/2021
Dans son «Vocabulaire Technique et Critique de la Philosophie» paru en 1926, le professeur André Lalande disait de l'Intime que «Ce terme est dangereux en raison de sa double signification: d'autant plus que les deux sens convenant à la fois à bien des choses, on les confond presque toujours...» Il évoquait ainsi le monde intérieur auquel renvoie l'intime. «Fermé et inaccessible aux autres» de par son étymologie, l'intérieur est aussi ce qui s'oppose au superficiel.
Le premier sens évoque ce qui est caché à la vue de tous, qui peut être subjectif, privé ou individuel, quand le second sens devient synonyme de Solide, Profond, Essentiel…
Les confondre reviendrait ainsi à attribuer une valeur profonde et essentielle à ce qui ne serait que culte de l'ego et complaisance narcissique.
Ainsi appelle-t-il à bien surveiller l'emploi du mot intime et la signification que nous lui en donnons.
L'Historien, anthropologue et spécialiste de l'antiquité Grecque Jean-Pierre Vernant rappelle qu'il n'existe ni confessions, ni journal intime chez les Grecs. Ce questionnement sur soi-même, cette faculté d'écrire notre propre biographie, relevant d'une création sociale et historique.
Selon lui, le «Connais-toi toi-même» inscrit au fronton du Temple de Delphes signifie « Connais l'âme impersonnelle qui est en toi. »
Il semble qu'il faille attendre St Augustin pour offrir sa valeur philosophique à la notion d'intime. Ici, l'intime est d'abord le site de la relation à Dieu. «Pourquoi chercher en dehors de soi ce qui est plus intérieur à moi que ce que j'ai de plus intérieur». Vu sous cet angle, «Dieu m'aime et me connaît mieux que moi-même et ce qui fait ma permanence dans les changements incessants que je connais.»
On ne peut confondre l'Intime et l'intimité. Ainsi, toujours selon Jean-Pierre Vernant, les grecs n'avaient pas d'intime mais multipliaient les espaces d'intimité, la vie démocratique impliquant la séparation du public et du privé.
En se rapprochant de notre époque actuelle, constatons que préserver cette intimité est longtemps resté particulièrement difficile dans l'espace familial. C'est au 19ème siècle que la bourgeoisie offre enfin une chambre au couple parental quand il faudra attendre le 20ème siècle pour que tous puissent éventuellement y accéder. Ceci n'étant valable que dans les pays riches.
Les modalités et le contenu de l'intimité sont relatifs et dépendent pour beaucoup de normes sociales elles-mêmes fluctuantes. C'est peut-être au seul plan de la sexualité que l'intimité demeure un invariant. Mais sachant que la pensée masculine est la plus écoutée, quand Lévinas dit «La façon d'exister du féminin est de se cacher, ou la pudeur», je ne suis pas sûr d'y adhérer mais il y a là une constante symbolique du secret de l'intime lié à la sexualité qui démontre aussi, peut-être, le peu d'écoute et d'intérêt réels des hommes envers les femmes tout au long de notre histoire.
Pour Kierkegaard, il y a une expérience fondatrice de l'intime dans l'expérience d'être soi. Rappelons que celui-ci fait référence en matière de séduction dans les écoles de marketing, quand son vécu réel fut très éloigné de celui d'un Casanova, Car l'intime n'aurait-il pas d'abord pour révélateur le regard de l'autre? Un regard qui dépasse la simple et superficielle séduction? Un intime qui s'ouvre et se partage?... Et puis, existe-t-il effectivement une permanence qui dépasse les changements incessants, comme l'exprime St-Augustin?
Notre intime sous influence pourrait-il, finalement, ne refléter que les luttes intestines inscrites-là sous pression d’événements extérieurs? Voilà bien des questions qui finissent par toucher à la psychanalyse. Lacan répond qu'on appelle intériorité une extériorité repliée. Dans l'analyse, il y a un intime sans réciprocité. Mais dans l'expérience amoureuse, Hegel suggérait qu'on se permet d'être «auprès de soi dans l'autre»… et pour Montaigne: Celui qui m'aime me donne accès à une partie de moi-même que je ne connais pas.»
Il y a donc toujours l'intime qui se veut indicible quand le non-dit pourrait détruire de l'intérieur, et puis l'intime qui augure des profondeurs d'où peut jaillir la lumière d'une pierre philosophale, dans l'expérience mystique.
Il y a de l'intime sans jugement dans l'analyse de soi, entre les mains d'un thérapeute. Mais il y a de l'intime sans secret, sans pudeur, avec l'offrande du droit de tenir un langage de vérité, dans la rencontre amoureuse. Par-delà la simple séduction, atteignant une réelle écoute, un réel partage, le regard et la parole de l'autre dévoilent l'intime, ou bien le créent… Allez savoir?
«L'intime est, selon Le Grand Robert de la Langue Française, dans son sens littéraire, ce qui est contenu au plus profond (d'un être), lié à l'essence (de cet être), et généralement secret, invisible, impénétrable. Ce sera concernant les choses ce qui pourra les relier, qui lie, relie étroitement, par ce qu'il y a de plus profond. Ou bien pour qualifier ce qui se passe en privé.»
A l’heure de l’informatique, d’internet, des réseaux sociaux, des téléphones portables, des «UBER», des cartes bleues, des cartes vitales, des passes sanitaires, etc. etc. on peut légitimement se poser la question : a-t-on encore une intimité dans un monde gouverné par un logarithme ?
Quant à ce qui me concerne, intimité oblige, ne comptez pas sur moi pour vous en dire plus…
Les épisodes précédents :Suite à l’assassinat de son ami Achraf, inspecteur au BARO de Grobujot City en Zone Franche, Piero a quitté Shima, capitale de l’empire de Lumus, «la seule planète habitable de l’univers» (martèle le dogme). Il est exilé dans l’émirat de Shamârdadj, à Bégum; néanmoins, en toute dissidence, il garde contact avec la Terre et correspond mensuellement avec l’équipe de l’Ego du Moi(s) qui l’invite à témoigner des conditions de vie à New Shima, la cité sanitaire expérimentale du Ministère de la Santé Publique de l’empire. Totalement régie et parcourue par un omniprésent réseau de capteurs informatisés, l’invisible et constante violation de l’intimité y est la règle.
L’ego du Moi(s) : Pierre Belleney, qu’auriez-vous à déclarer au sujet du respect de l’intimité des patients et patientes en résidence à New Shima ?
Lorsque je commençai à écrire le récit de mon arrivée à la cité sanitaire de New Shima, j’ignorais combien de fois les insondables tiroirs, coffres, armoires, secrétaires à secrets, caves et greniers de mon être le plus intime seraient brutalement pénétrés par l’empire qui poserait ses conditions dans l’organisation de ma vie quotidienne désormais rythmée par l’intense diffusion – sur l’écran du salon comme sur mon smartphone – de débats et journaux numériques transhumanistes de dix minutes, à raison d’un toutes les quarante minutes; dix minutes sont imparties à divers spots publicitaires qui surgissent aléatoirement, personnalisés par de complexes algorithmes en action sur les données enregistrées lors de chaque entrée de patient et patiente.
Chaque jour, tout l’après-midi, je tentais d’aérer mon esprit et je m’allongeais devant les trois grandes baies ouvertes de mon studio; je patientais avec constance et résignation ; je tentais d’accepter les vicissitudes qu’entraînait cette situation imprévue bien qu’en préparation depuis plusieurs années. Sous un ciel bleu, béat, je contemplais les verrières des façades blanches, les cages d’ascenseurs surmontées de leur coupole dorée ; à l’horizon, la mer et les pinèdes nostalgiques languissaient de ne plus m’y voir passer ; je m’égarais en ma réserve de rêveries où sommeillait une intime vie secrète bridée par une multitude de déclarations, autorisations obligatoires, marques d’allégeance à l’autorité médicale et à ses soutiens policiers et politiques.
Éternel amoureux – sinon je meurs – platoniquement, j’écoutais les souvenirs de mon âme ruinée par un bombardement intensif de millisieverts et quelques milligrammes d’un puissant composé chimique, dogmatique solution à la maladie qui rongeait tant de mes semblables. La médecine impériale et sa puissante et riche industrie pharmaceutique défendent leurs dogmes jusqu’à la mort de leurs oppositions.
Depuis que tous ces acharnés violent ainsi mon corps et mon esprit, mon Hedera helix peine à grimper au plafond et je dessine les plans d’un planeur nommé «Clitoris». Je prépare en douce mon évasion et ricane face à tous ces débats caricaturaux de dix minutes toutes les quarante minutes: êtes-vous pour ou contre ?
Respect de l’intimité des patients ?
Par Pierre Belleney
Aucune hésitation n’est possible : aucune évasion n’est possible tant que je suis relié à mon smartphone et, quel que soit mon degré d’accoutumance à cet espion permanent, il me faudra m’en débarrasser. DJ Vernon Subutex explique tout cela très clairement bien que les bulletins d’informations matraquent sans cesse qu’il n’est qu’une légende urbaine.
Depuis le grand ciel bleu, une voix me dit, entre deux petits nuages blancs, «Piero, n’hésite pas à te perdre, sois non localisé dans le vide d’un univers sans serveurs. Là est l’une des conditions essentielles à la réussite de ton évasion et à la résurrection de ton intimité».
Une autre règle est essentielle à la réussite de l’évasion: en résidence à New Shima, ne pas se laisser aller à raconter certains détails de sa vie intime comme le fait que vous avez reçu une communication d’un esprit en voyage entre deux petits nuages blancs. La conséquence en sera immanquablement un échange de courrier entre doctes spécialistes.
Cher confrère, le patient entend des voix dans les cieux: nous considérons qu’il devient nécessaire et urgent de prescrire un traitement psychiatrique complémentaire.
Veillez à ne laisser penser que vous pourriez entrer en dissidence des dogmes transhumanistes, gardez à l’esprit que «dans un système totalitaire, consentir à l’humiliation est un marqueur de bonne conduite». La bonne conduite peut-elle parfois endormir les geôliers ? En ce doute, consentiriez-vous à l’humiliation ?
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