Dis-moi papa, c’est quoi le PPO ???
C’est « LE POLYOPHENYLENE MODIFIE »
C’est un nouveau restaurant mon fils, très à la mode, ça vient d’ouvrir et c’est la gastronomie du futur mon fils.
Ah bon… !
J’e t’explique, C’est un super resto, décor bakélite coloré des années 1907/1909 réalisé par Léo Baekeland.
Tables et chaises en polybutol, nappes et serviettes en film plastique acétate, assiettes verres et couverts en PVC classique type pique-nique.
Menu à la carte sixième continent,
Cocktail de bienvenue au plastique détonnant et sa tapenade marée noire.
Pour démarrer :
Acétate de courgette et sa sauce à l’ammoniaque ou
Asperges fibres synthétiques bords de derricks
A suivre :
Macron-molécule de canard sauce byphénol ou Darmanin de pintade sauce policière (2 spécialités Elyséenne) ou Granulées de pâte à la carbonate.
Pour les gourmands :
Caramel de méthyle et sa glace cellulose
Thermodurcissable (gâteau de caramel au methyle)
Fondant au bakélite
Pour les papilles :
Eaux des Régions (riche en nitrate)
Sans plomb 95 (bio)
Diésel allégé (en directe de la propriété)
Café insoluble
Tisane infusible
Dis papa, c’est bizarre et ça sent drôle tout ça!!!
Mais non mon fil, on ne dit pas ça sent drôle, mais ça fleure bon la science, la diversité, le progrès, la gastronomie quoi !
He ben moi papa, je ne suis pas vraiment convaincu!!!
Et vous cher(e)s lecteurs, lectrices, qu’en pensez-vous???
Quand les hommes deviennent cons et sourds
Ils n'entendent plus la misère
C'est comme s'ils vivaient sous un abat-jour
Mais nous nous sentons du remord mon frère.
Quand les hommes deviennent cons et sourds
L'odorat n'est en paix sur la terre
Les sols denses rendent des métaux lourds
Mais nous nous sentons du remord mon frère.
Dans l'eau malsaine bientôt sans vie
Où s'avalent des sacs les poissons
Où s'avalent des plaques de pollutions
Nous aurons tout anéanti…
Quand les hommes deviennent cons et sourds
Ils n'entendent plus la misère
C'est comme s'ils vivaient sous un abat-jour,
Mais nous nous sentons du remord, mon frère…
Mais quand les hommes sont bien cons, bien sourds
Qu'ils n'entendent plus la misère
Peut-être plongeront-ils à leur tour
Comme nous dans le remord, mon frère,
Nous plastiqués comme toujours
Dans nos veines et puis la chair
Cherchant la pierre, cherchant le four
Qui fait chaudron et l'or, mon frère.
Dans l'eau malsaine bientôt sans vie,
Pourrie de pollueurs mutants
Il faut des sourds bien évidents,
De la bassesse ici bas, et sans cri.
Quand les hommes sont cons et sourds
Il n'y a plus que la matière et
Sur leur tête s'abat le jour
Mais nous, nous serons morts, mon frère…
Par l’un de ces si rares et heureux jours, Alicia est là, à Shima. Nous allons, en notre balade préférée, sous un magnifique ciel d’été, avec des cormorans, sous la fraîcheur des platanes qui passe dans mon cœur et purifie mes poumons. La rivière est si belle et la beauté me rend lyrique.
– Alicia, je t’aime, je te bois, je te vis, je t'envulve et c’est bien.
Je m’en veux toujours de ne jamais parvenir à canaliser mes désirs. Alicia craint fort les emballements lexicaux: elle est fragile, mais elle sait exactement comment calmer le jeu de la manière la plus diplomatiquement charmante, avec le sourire.
– Cher Piero, laisse là Léo; au scrabble, «envulver» isn’t valid. Raconte-moi ta vie.
Et voilà ! Je n’ai guère le choix! Changeons de sujet. J’astique mes synapses qui me renvoient un vieux flash-back d’un demi-siècle, genre l’histoire qui fait rire les filles quand elles discutent avec pépé sur un banc public au Jardin des Délices.
– Plongé dans la malle arrière de la Simca, je ris, la tête dans le sac (de riz) du Suma de la rue de Vesoul, à côté du concessionnaire Autobianchi Alpha Roméo. On va chauffer le caoutchouc ! Ça démarre sur les chapeaux de roues ; attention, rétro ! et lolos de Bardot : Piero et Paulo. Au garage, faut de la belle carrosserie, partout ! Alicia, au vingtième siècle, la vie devint étrange : un Bulgare – non, il n’y a pas que des yaourts en ce pays : regarde, la Maritsa est si belle – un Bulgare, donc, emballe Jeanne-Claude, une rousse flamboyante. Au siècle suivant, le couple accouche : un arc de triomphe en polypropylène bleu est érigé à la gloire d’une nouvelle-née, la Prion biplace à particules. Sur coussin d’hydrogène, son dynamique habitacle spongiforme est totalement biodégradable.
– Tu dis ça, toi ? une nouvelle-née ?
– T’inquiète, je réassigne !
– Au bistouri ?
– Mais tu es à Shima, Alicia, tu es à Shima ! Bien sûr ! au bistouri !
– Petites lèvres symétriques, grandes, grandes lèvres, petit mont de Vénus, petit vagin, pur hymen et gros pénis ?
– Tout à fait, Alicia, un panier de crabes, seins et testicules grillés, benné à la poubelle. Du grand art ! Bien gore. Tu vois le tableau ?
– OK, j’assigne : genre «pompier pour salle d’attente»; titre : « La légitimité de la Médecine ».
C’est pour cela que j’aime Alicia et que j’adore me promener en sa compagnie par un bel après-midi d’été, que le ciel est bleu bien que le fond de l’air soit un peu frais, ce qui est assez inhabituel.
Un autre flash-back m’assaille: sur les murs du garage, les nanas nues frissonnent et leurs tétons pointent. La conclusion, pour ce qu’il en est du cochon qui est un animal très propre et très mignon avec sa petite queue en tire-bouchon élastique rose, est que, devant tant de beauté, la beauté d’Alicia, bien évidemment, je ne peux que m’incliner, béat, au bord de ses lèvres. Au pied de l’arbre sacré, notre arbre sacré – scandale! – gît une vieille capote. Alicia sourit:
– Quel vulgaire et sans-gêne final a pu ici se dérouler en notre absence ?
– Les absents ont toujours tort.
Et qu’ainsi la morale sauve cette histoire sans queue ni tête bien qu’avec synapses, seins et testicules. Que chacun et chacune reconnaisse son cadavre mutilé.
Plastiquement votre et, bien sûr, à la prochaine!