«Pour moi, le théâtre n'est pas ceci Ou cela, mais ceci Et cela» avait dit Laurent Terzieff, peu de temps avant sa mort, en recevant son Molière en 2010 pour la pièce «L'Habilleur» de Ronald Harwood.
Je serais tenté d'en dire autant de l'Art. L'Art n'est pas ceci ou cela, mais il est ceci et cela.
«Les arts» sont-ils semblables à l'Art? Le théâtre fait partie des 7 arts majeurs mais lorsque nous pensons à l'art, ne pensons-nous pas d'abord aux arts plastiques, aux arts visuels? Pour Hegel, le premier d'entre eux était l'architecture. Mais la liste ne cesse en fait de s'allonger grâce aux progrès technologiques. Les arts numériques viennent s'ajouter, les matériaux nouveaux se multiplient.
L'Art que l'on dit Contemporain se distingue bien souvent de la Peinture et de la Sculpture, mais pas toujours, pas systématiquement. Les arts s'entrecroisent, s'émancipent et se réinventent sans cesse.
Les arts exploitent les possibilités de nos 5 sens. On les retrouve donc associés à l’œil, au toucher, à l'oreille, comme au goût, comme aux parfums… Leur nombre théorique est ainsi sans limites.
Pour l'architecture, nous ferions aujourd'hui confiance aux entreprises du BTP. Mais dans la Florence de la Renaissance et dans la boutique de son maître Verrochio, Léonard appartenait à cette lignée d'artisans auxquels on pouvait faire appel pour leurs multiples compétences techniques en de vastes domaines. C'est de cet art de l'observation de la nature, auquel nous invitait le plus grand et le plus éclectique des Maîtres, que naîtra l'esprit scientifique. Comme pour les armes de guerre qu'il imagina, art du dessin, sciences et techniques se rencontraient déjà, se complétaient souvent. C'est l'excellence qui a fait que le maître artisan soit finalement reconnu pour son art. Bien plus tard, nous aurons à cœur, avec le critique d'art Octave Mirbeau notamment, de parler de génies en évoquant les grands talents. En fait, l'Art, tel que nous le vivons aujourd'hui, est peut-être le domaine de la liberté, de l'expérimentation, de la recherche et de la nouveauté, lorsque la rigueur scientifique qui observe le réel est supplantée par la gratuité des créations imaginaires mais aussi, en d'autres cas, par la sublimation, la virtuosité, la recherche de perfection.
Il peut tout aussi simplement répondre à la volonté d'un message que l'on souhaite faire passer.
S'il est d'abord une manière de copier ce que nous voyons, ou bien d'agrémenter des objets manufacturés, l'art est aussi la façon que nous avons de vouloir échapper à la lucidité du regard, le choix que nous faisons de trouver une forme de beauté émergeant de la laideur. Offrir du sens au cœur du non sens. Montrer de la grâce et même, très souvent, de la spiritualité pour mieux supporter notre expérience humaine.
L'Art est ceci et cela
En fait, l'Art ou bien le langage qui traverse tous les autres arts, tous les autres langages, c'est la Poésie. C'est ici le langage qui joue avec lui-même et invente d'autres façons de dire ou de décrire l'indicible des profonds ressentis.
C'est aussi cette contrainte du langage convenu qui fait soudain preuve, agité avec art, d'émancipation. C'est une façon de dire qu'il n'est point d'autre vérité que celle de nos audaces.
Un groupe, une société, peuvent vouloir imposer les limites d'un art. Mais le développement d'une conscience individuelle implique l'expression d'une vision personnelle, d'un imaginaire propre et d'une fantaisie nouvelle.
Une société contaignante jugera et tentera de brider cette expression. Mais une société d'hommes libres laissera chacun se raconter à travers ce qu'il sait faire.
Toutefois, plus notre culture se dit rationnelle, plus la tendance sera de vouloir encader les choses.
L'Art, pour beaucoup, se doit de mettre en application une démarche. Mais cet art est espiègle. Il est le Houdini auquel ne résiste aucune entrave; qui échappera à toutes les boites sensées le contenir. Si un esprit académique définit de quelle manière paraître cohérent, poussant à observer une démarche que l'on pourra décrire ou défendre, il restera à l'Art un choix de traverse, celui, par bravade, d'inventer la Non Cohérence et même la Non Démarche (pour démarche… ou pas).
Parce que l'Art, c'est aussi cela. Et serait-ce encore l'Art sans cela?
Faire émerger autre chose. Créer du réel là où on ne le voyait pas.
Etre l'Indépendant des Académismes. Oui, l'Art est bien souvent ceci...comme aussi cela.
Donner une définition de l’art me semble être un pari risqué, sachant que«sa», ou plutôt «ses» définitions ont largement évolué selon les époques et les cultures.
Je me contenterai donc de partager avec vous quelques-unes des réflexions que m’ont apportées mes années de pratique.
Pour ce qui me concerne, l’art est lié essentiellement aux notions de «beauté», d’«esthétique», ce qui lui donne un cadre, un critère d’appréciation. Ce qui m’amène à la réflexion suivante : une des singularités de l’art est qu’il est à la fois «un» et «multiple».
«Multiple» par les différentes formes qu’il peut prendre à travers la production de chaque individu. «Un» car au-delà de ces apparentes différences, il y a quelque chose d’universel dans ses manifestations, qui traverse les cultures et les époques et dans laquelle chacun peut se reconnaître.
Aussi, une grande partie des pratiques de «l’art contemporain», qui s’appuient souvent sur la transgression, et la rupture avec cette notion de «beauté», ne sont pas des œuvres d’art mais plutôt des «discours» sur l’art. Il y a ceux qui «font», et ceux qui se regardent ne pas faire.
En conclusion, je crois que la pratique de l’art est consubstantielle à la nature humaine.
Les peintures pariétales sont les premières représentations connues de cette humanité, (que nous considérons depuis comme des œuvres d’art) et l‘histoire confirme que cette pratique ne s’est, jusqu’à présent, jamais démentie, quelles que soient les formes qu’elle ait pu prendre.
Voilà tout ce que je peux dire sur ce sujet sans tomber dans des spéculations hasardeuses.
Dans un autre ordre d’idées: L’histoire nous a appris que les pouvoirs totalitaires s’en prennent d’abord à l’art et aux artistes. Rappelons-nous les autodafés nazis ou les agressions du régime Pinochet contre les artistes et intellectuels Chiliens, pour ne citer qu’eux. «Poètes, vos papiers»!
Quant aux autres, les autoritaires masqués que nous connaissons (trop) bien, il n’est qu’à voir le cas qu’ils font de la culture dans les écoles et dans toute la société pour confirmer qu’ils se sentent bien, là, face à un danger!
J’en conclus donc que l’art peut être éminemment subversif, donc dangereux!
Aussi la révolution sera artistique ou ne sera pas! Alors, Mesdames et messieurs les artistes, jetons nos fusils et créons, et nous verrons peut-être le matin du grand soir! C’est la lutte finale!