Moi je suis le jardin
Ni bleu, ni rouge, ni vert,
Moi je suis le jardin.
Côté cour des primaires
Les pigments et les teints,
Les mélanges vont de paires
Et baignent dans leur bain.
Mais quand le gris austère
Du tour suivant éteint
La fraîcheur de ses terres,
Le solaire du satin,
Un clair-obscur amer,
Un plan de noirs desseins
Hachure de sa colère
Les contours du dessin.
Le tube qui enserre
Chaque fluide bien distinct,
S'il libère sa matière,
Libère aussi l'instinct.
L'éclat des couleurs claires
Salies par ses voisins,
Voici ce qui opère
Chaque fois, c'est certain,
Dès qu'on les laisse ouverts,
Un couteau à la main
Et ce besoin de plaire
Qu'expriment les discours vains.
La pureté ne tolère
Aucun accord trop fin,
La palette est offerte
Aux nuances sans fin,
Hémicycle, inventaire
D'azur et de Carmin,
Coalitions d'enfer,
Promesses pour demain...
Ni bleu, ni rouge, ni vert,
Moi je suis le jardin
Mais le froid et l'hiver,
Quand pleuvent de blancs bulletins,
Tout ce qu'on peut extraire
D'un entubé scrutin,
Se sentant libre hier,
Le créatif le craint.
Sans une couleur de chair,
Floraison du matin,
Horizon qui éclaire,
La touche explore les bruns,
Le daltonien parfum
Du sépia, son vieux grain.
L'arc-en-ciel qu'on altère,
Ce n'est pas très malin.
D'un tube en prose, sans vers,
Choix laid, grossier, mal peint,
Pauchade à sa manière,
Esquisse d'un lourd destin,
Des tons vifs se sauvèrent,
Prisonniers d'un écrin.
Teintures parlementaires,
Tons hautins de tribuns,
Peintures, argumentaires
Bien sombres sur toile de lin.